Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

samedi 21 août 2010

"La philosophie nous apprend à supporter sereinement le malheur des autres". Oscar Wilde. citations.com



Joe Kubert


   Ah ce sens de la mise en scène qui caractérise Joe Kubert! 

   Certes, le sujet n'est pas nouveau: une immonde crapule nazie face à un malheureux - très malheureux même - prisonnier juif. Ce dernier, vu en contre-plongée, à ras de terre, les mains crispées sur ce sol qui, bientôt, sera celui de sa dernière demeure. Doigts crispés de vieillard, visage qui n'est plus que le crâne d'un squelette, avec des yeux à demi fermés, (l'ombre de la mort commence à s'y imprimer), une bouche ouverte sur un râle qui annonce la fin. La victime porte le fameux pyjama rayé mais, dans son malheur, reste digne.

   Et, au-dessus de lui, triomphant, le sadique kapo nazi, son Luger P. 08 pointé vers la victime. Un Luger dont le canon fume, signe que l'immonde crapule a déjà tiré. Mais où? Dans le dos de sa victime, ou bien sur le sol, juste pour augmenter sa terreur et surajouter sur son sadisme naturel - presque sexuel? Quant à l'expression qu'il arbore, c'est celle qui sied à un véritable envoyé du Diable, à un de ses immondes séides. Ses yeux lanceraient presque des éclairs...

   Il faut dire qu'il est téléguidé, dans ce ciel embrasé, par la MORT elle-même, une Mort aux serres prêtes à se refermer, à la bouche s'ouvrant sur un immonde ricanement. Le tout en couleurs flashantes - rouge et jaune -, pour indiquer combien l'univers dans lequel expire le prisonnier juif est au-delà de la banale réalité. Le nazi est le représentant du Mal absolu, celui contre lequel les simagrées démocratiques n'ont aucune prise. C'est "tuer ou être tué" qui est prôné, dans un univers où tout est Blanc ou Noir.

   La force de l'image provient de l'encrage de Joe Kubert qui se rapproche du croquis. Il y a, certes, des à-plats, mais les traits sont nerveux, épousant parfaitement l'indignation du dessinateur dont l'origine juive explique certainement le soin apporté à cette macabre mise en scène.

   Une couverture soi-disant pour les kids mais qui, par sa dramatisation, en dit plus qu'un long discours...



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"Cléopâtre et Antoine" (1902) par l'illustrateur américain 
Joseph Christian Leyendecker (1874-1951). 
Tableau typique de l'illustration Art Nouveau.


   La mise en scène, ici aussi, est appuyée. Elle paraît plus "lourde", plus "démonstrative", mais c'est simplement parce que l'on à affaire à un tableau. Rien n'est suggéré vraiment. Antoine, solide comme un roc - à l'image de l'effigie égyptienne qui trône derrière lui -, se tient debout. Plus que debout, a-t-on envie de dire. Un pied sur le socle de la statue, l'autre sur le sol. Il penche son visage vers celui de Cléopâtre, dos collé contre son poitrail, visage offert, dans une torsion  un rien bizarre.  

   Tous deux son richement vêtus. Elle à l'orientale et lui, faussement en guerrier, car rien ne rappelle vraiment son origine romaine. Comme si Leyendecker voulait indiquer ainsi que le soldat de l'Empire avait déjà en partie perdu son identité. Il faut dire que si Cléopâtre représente l'Égypte, c'est un pays féminin en "diable", sensuel, prêt à se laisser aller dans des bras musclés. On croirait même entendre un soupir, celui de l'amante, et le souffle puissant du mâle qui n'a pas besoin de la maintenir contre lui. Cléopâtre n'attend plus que l'instant où ils rouleront tous les deux dans un lit aux draps de soie...

   Comme une préfiguration de cet abandon, la rose aux pieds des deux amants. Et, au-dessus du couple, le soir égyptien, avec un ciel comme une toile bleu nuit sur laquelle ont été piquées des centaines d'étoiles complices. Le romantisme dans son acception ultime. 

   Un régal.


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Blanche Baptiste

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