Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

dimanche 8 juillet 2012

"Cette pièce fit un four où l'on brûla l'Auteur". Benoît Barvin in "Pensées pensées"

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Pensées pour nous-mêmes:

(NE PENSE PAS TROP. N'AGIS PAS TROP)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(31)
pcc Benoît Barvin



"captured by invaders"



Étrangers

   Je les surpris qui sortaient tous les trois, comme à leur habitude, en rang d'oignon. Un des frères d'abord, cheveux rares en touffe de moine, sur le haut du crâne, la tête mobile, les yeux fureteurs scrutant vers les escaliers de l'immeuble à la recherche d'un quelconque voyeur, je suppose. Il ne m'aperçut point. 
   Suivait la mère, aussi épaisse que son fils, dodelinant de la tête, une tête ronde et rose agrémentée d'une paire de lunettes aux verres globuleux. Fagotée comme un as de pique, robe longue déformée par son corps rond, aux contours mal définis, le tout dans les beige et mauve délavé, silhouette replète évoluant difficilement avec des escarpins antédiluviens. Elle eut le même mouvement furtif que son fils, tel un animal inquiet humant l'air afin de percevoir les effluves étrangers. Un drôle de sourire s'imprima sur ses lèvres, grossièrement maquillées et elle suivit son fils, alors que le second, paraissant se coller à elle -identique au premier, aussi épais, rustaud et dégarni que lui-  les imitait.
   Le trio improbable tint un bref conciliabule - inaudible, comme à l'habitude -, un peu plus bas, puis ils descendirent pesamment la volée de marches alors que je me précipitais vers la porte, entrebâillée. Chance ou piège tendu? Je n'avais pas le temps d'y réfléchir, il me fallait agir, cela faisait trop longtemps que je les surveillais, ces trois-là, pour hésiter encore à visiter leur appartement.
   Je m'étais à peine faufilé que, derrière moi, quelqu'un marmonna. Le chambranle fut poussé et  la serrure claqua deux fois. J'étais enfermé dans le logement, comme un rat dans la ratière. Je restai immobile, le dos collé à la cloison, retenant les battements de mon coeur, au bord de la syncope. Je perçus dans ma chair le choc sourd de chacun de leurs pas, dans les escaliers; choc sourd qui s'estompa enfin, me délivrant de cette sourde angoisse qui faisait trembler tous mes membres. Les "Ogres" - comme je les appelais - étaient partis. Il me fallait faire vite pour visiter de fond en comble l'appartement afin de, j'en étais certain, trouver des indices peu ragoûtants...
   Depuis que cette famille avait emménagé dans ce petit immeuble tranquille, je subodorais un mystère, évidemment sanglant. Il ne pouvait en être autrement. Ces gens-là, avec leur identique pesanteur, leur baragouin que personne ne comprenait, leur mutuelle laideur, ne pouvaient être que de dangereux scélérats. Ou des agents troubles d'une quelconque Nation aux desseins criminels. Ils dérangeaient l'ordre tranquille de l'édifice, constitué de gens normaux, un rien ennuyeux, certes, mais normaux, Eux...
   Je me mis à l'ouvrage méthodiquement, ainsi que je l'avais appris. Mais j'eus beau retourner toutes les pièces - avant de remettre avec soin chaque objet à sa place -, je ne découvris aucune preuve pouvant entériner mes soupçons. Les "Ogres" n'étaient au final qu'une famille banale - comme il en existait des millions dans le Pays -, famille dont le père était décédé deux années auparavant, laissant une mère - ancienne dactylo - à la merci de deux fils attardés. Evidemment, le terme n'était pas aussi précis, dans les papiers officiels. Ce trio n'avait rien de maléfique. Il était simplement pitoyable, ne réussissant à vivre au jour le jour que grâce à la générosité des aides de l'Etat.
   Profondément déçu, je me dématérialisai pour me faufiler par le trou de la serrure et me réfugiai chez moi, dans l'appartement du second. Là, j'avais installé mon quartier général où j'en référais, chaque jour, à mon Autorité de Tutelle. Celle-ci allait être furieuse quand je lui soumettrais un dossier vide concernant le trio que j'avais pourtant présenté comme une unité "Work" sur cette portion de la planète. Les "Works", nos ennemis mortels, que nous traquions impitoyablement sur tous les mondes habitables de la Galaxie et qui, une fois encore, nous échappaient. A croire qu'ils n'avaient jamais existé...
   A cette pensée déconcertante je me sentis mal et, pour recouvrer mes forces, je me dirigeai vers le frigo pour absorber mon jus de vitamines habituel: sang humain, garanti de première fraîcheur. 
    Sans l'ombre d'un doute, puisque je l'avais moi-même prélevé. 
   A la source.

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"My God! Le nouveau gouvernement
fait tout presque comme l'ancien!
- C'est-normal-il-est-social-démocrate-traître-
mais-gentil-et-poli-Lui.
-Alors, ça change tout."

Space Cadet #2


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"Non, Chevalier Blanc, arrête ton cinéma.
Tu fais partie de l'ancienne majorité.
Je t'ai reconnu. 
- Ben, M... alors!"

Reutlinger. Projet d’affiche, 1920s

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"Bleurg... Arrête! Ch'suis pas morte, enfin!
Pas besoin de me faire du bouche-à-bouche.
- Ch'suis ton Prince Charmant, ma Jolie...
- Un Prince fauché, oui..."

Bear Mountain Park, New York, 1950
photo by Leon Levinstein

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(Elégante allégorie du Monde qui marche sur la tête
par Miss Gigolette 1925)

unknown..

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Jacques Damboise

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