Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

lundi 10 décembre 2012

"Cette attente vaine de la Mort, c'était d'un pénible!". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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Pensées pour nous-mêmes:

(N'ATTENDS RIEN DE BON
DU PIRE)

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"Oh Mon Dieu, tu as une petite bête!
- Où ça? Où ça?
- Là... Mais là... Tu ne vois rien?"

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"Rrron... Guerre de Sécession... Pfff.... J'm'en fiche...
Personne ne me fera sortir de mon sommeil... Rrron"


La guerre de Sécession : 
premier conflit total ? 
Rencontre avec Donald Stoker
Propos recueillis 
et traduits par Titus Holliday

   (...) / La guerre de Sécession est souvent qualifiée de « tournant » dans l’histoire des conflits. Quelle est sa spécificité ? En quoi est-elle si différente ?

   - Le point central, la spécificité de ce conflit, c’est le sort à réserver à l’esclavage, qui forme le cœur du différend. Il faudrait connaître le détail de toutes les guerres pour savoir si un tel cas de figure s’est déjà produit. Mais à ma connaissance, c’est l’unique exemple. Les révoltes d’esclaves – réussies (comme celle d’Haïti en 1791) ou non (telle celle menée par Spartacus dans la Rome antique entre 73 et 71 avant notre ère) – ne sont pas rares dans l’histoire. Mais les conflits concernant le sort de l’esclavage sont beaucoup plus inhabituels.


   La guerre de Sécession est également l’un des premiers conflits industrialisés. Les lignes de chemin de fer, les armées de masse souvent formées par conscription, le contrôle accru de l’État sur certains secteurs de l’économie, le rôle prépondérant de la presse et de la circulation de l’information sont autant de caractéristiques marquantes de cette guerre. Il serait peut-être exagéré de la considérer comme un tournant, mais c’est certainement le conflit qui a atteint le seuil de développement le plus élevé avant la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Elle préfigure ce qui se passera au cours des guerres du XXe siècle.


   / Vous estimez à près de 620 000 le nombre de soldats tués, auxquels il convient d’ajouter une quantité indéterminée de civils. Pourquoi y a-t-il eu autant de victimes ?


   - D’abord, par suite de l’ampleur de la mobilisation militaire, près de trois millions d’hommes au total : un effectif considérable, qui permettait aux deux camps de s’affronter sans répit. Les deux armées tiraient leur force des conscriptions et du soutien aveugle des populations civiles. Leur détermination est ainsi venue nourrir l’intensité, la durée de la guerre et, par extension, le nombre de victimes.


   Les armes utilisées ont également joué un rôle important. L’utilisation de mousquets et de canons augmenta la précision et de fait la capacité de tuer du soldat moyen. Les blessures par balle causaient alors des plaies plus importantes que les fusils actuels. La balle Minié, une munition de gros calibre, était capable de faire voler en éclat 15 à 20 cm d’os lorsqu’elle atteignait un membre. Elle provoquait ainsi de nombreuses amputations.


   Mais ce sont probablement les maladies qui ont tué le plus. Quand les hommes étaient regroupés pour la première fois dans les camps d’entraînement, ils contractèrent des contagions comme les oreillons. Beaucoup d’entre eux n’y avaient jamais été exposés, car ils avaient grandi dans un environnement rural, surtout ceux du Sud provenant de régions beaucoup moins peuplées que leurs homologues du Nord.
(...)

   (...) / Quelles sont les innovations observées durant ce conflit ?


   - Les développements technologiques jouent un rôle important dans le déroulement de la guerre. Ainsi, la première des innovations est évidemment l’utilisation des moteurs à vapeur. Les trains et les bateaux se sont avérés essentiels dans le transport et l’approvisionnement des armées. Les grands effectifs ne pouvaient pas être maintenus retranchés très longtemps sans ce soutien logistique de poids. Cette révolution a également permis la construction de cuirassés, des navires de guerre dotés d’un épais blindage et armés d’artillerie de gros calibre, une autre nouvelle technologie. Que ce soit dans les armes d’infanterie ou les canons, le rayage (2) est devenu omniprésent, tout comme les armes à répétition, entrées en service à la fin. Le télégraphe favorisa la communication, et donna aux leaders politiques une influence sans précédent sur le déroulement des batailles. Il permettait parfois des interventions tactiques sur des combats en cours à des centaines de kilomètres, ce qui était totalement nouveau.


   Même si cela est parfois négligé, il faut cependant préciser que la guerre de Sécession s’inscrivait, à certains égards, dans la lignée de conflits antécédents. En effet, son déroulement avait, par moments, une dimension quasi médiévale. Certains généraux de la Confédération, comme Braxton Bragg, menèrent une « guerre de partisans » dans le Tennessee. Comme au XVIIIe siècle, la cavalerie était alors utilisée pour attaquer les lignes d’approvisionnement et de communication. Les esclaves enrôlés par l’Union furent intégrés à leur armée pour dévaster de larges espaces du Sud, détruire la détermination de la Confédération et annihiler ses ressources guerrières.


   / Qu’est-ce qui rapproche la guerre de Sécession des conflits mondiaux du XXe siècle ?


   - L’utilisation de nouvelles technologies, par exemple : lignes de chemin de fer, navires de guerre blindés avec des armes à tourelles, fusils à répétition, mitrailleuse Gatling (l’ancêtre de la mitraillette), utilisation des fils de fer (les fils barbelés n’existaient pas encore) pour protéger le télégraphe et les fortifications en 1863… Les tranchées, ce qui n’était pas très nouveau… Mais par son ampleur, la guerre de positions autour de Petersburg, en 1864 et 1865, peut se comparer à ce qui se passera au cours de la Première Guerre mondiale : deux camps armés de fusils, se battant terrés dans des tranchées.


  L’escalade de la violence est également similaire à ce qui s’est passé au XXe siècle. Quand la guerre débuta, le Nord n’avait pas l’intention de détruire les ressources du Sud pour gagner. Au début, les généraux de l’Union ont seulement opposé des mesures sévères contre les propriétés de la Confédération et les civils. Mais à mesure que la guerre se prolongeait, coûtait en vies et en dépenses, le niveau de violence s’intensifia. L’Union se mit à s’attaquer aux approvisionnements et à tout ce qui assurait le fonctionnement économique de la Confédération. En 1864, entre Atlanta, Georgia, et Savannah sur la côte atlantique, le général de l’Union W. Tecumseh Sherman brûla tout ce qu’il ne pouvait pas manger et prit autant d’esclaves qu’il pouvait.


   Ce basculement n’était pas soudain. L’armée de l’Union n’apprit qu’à la fin de l’année 1862 qu’elle pouvait vivre sur la terre du Sud sur des périodes très courtes. À partir de la fin de 1863, les forces de l’Union opérèrent des incursions au cœur du territoire ennemi pour attaquer ses ressources militaires et entraver sa détermination. Précisons que l’Union n’a jamais pris les civils pour cible ; cette étape ne sera franchie qu’au XXe siècle.
 (...) 

2. Rayage - 

Création de rayures à l’intérieur du canon des armes à feu pour faire tourner les projectiles et ainsi améliorer leur stabilité aérodynamique et leur précision.

Lire l'entretien sur:

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"Celui qui m'a chipé mes vêtements va le regretter,
je vous le garantis... Aie! Saleté de balai qui gratte!"

(Source: suicideblonde, via which-witch)

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"En l'absence de Clio, muse de l'Histoire,
Moi, Athéna, guerrière émérite, je prends
sa place. Cela ne vous dérange pas, 
j'espère?"

Extrait de: Paul Veyne, 
Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 
(1ère édition 1971), (extrait, pp. 50-85).

   (...) Si tout ce qui est arrivé est également digne de l'histoire, celle-ci ne devient-elle pas un chaos? Comment un fait y serait-il plus important qu'un autre? Comment tout ne se réduit-il pas à une grisaille d'événements singuliers? La vie d'un paysan nivernais vaudrait celle de Louis XIV; ce bruit de klaxons qui monte en ce moment de l'avenue vaudrait une guerre mondiale... Peut-on échapper à l'interrogation historiste ? Il faut qu'il y ait un choix en histoire, pour échapper à l'éparpillement en singularités et à une indifférence où tout se vaut. 

   La réponse est double. D'abord l'histoire ne s'intéresse pas à la singularité des événements individuels, mais à leur spécificité (…) ; ensuite les faits, comme on va voir, n'existent pas comme autant de grains de sable. L'histoire n'est pas un déterminisme atomique: elle se déroule dans notre monde, où effectivement une guerre mondiale a plus d'importance qu'un concert de klaxons; à moins que - tout est possible - ce concert ne déclenche lui-même une guerre mondiale; car les « faits » n'existent pas à l'état isolé: l'historien les trouve tout organisés en ensembles où ils jouent le rôle de causes, fins, occasions, hasards, prétextes, etc. Notre propre existence, après tout, ne nous apparaît pas comme une grisaille d'incidents atomiques; elle a d'emblée un sens, nous la comprenons ; pourquoi la situation de l'historien serait-elle plus kafkéenne ? L'histoire est faite de la même substance que la vie de chacun de nous. 

   Les faits ont donc une organisation naturelle, que l'historien trouve toute faite, une fois qu'il a choisi son sujet, et qui est inchangeable : l'effort du travail historique consiste justement à retrouver cette organisation : causes de la guerre de 1914, buts de guerre des belligérants, incident de Sarajevo; les limites de l'objectivité des explications historiques se ramènent en partie au fait que chaque historien parvient à pousser plus ou moins loin l'explication. À l'intérieur du sujet choisi, cette organisation des faits leur confère une importance relative: dans une histoire militaire de la guerre de 1914, un coup de main aux avant-postes importe moins qu'une offensive qui occupa à juste raison les grands titres des journaux; dans la même histoire militaire, Verdun compte davantage que la grippe espagnole. 

   Bien entendu, dans une histoire démographique, ce sera l'inverse. Les difficultés ne commenceraient que si l'on s'avisait de demander lequel, de Verdun et de la grippe, compte le plus absolument, du point de vue de l'Histoire. Ainsi donc: les faits n'existent pas isolément, mais ont des liaisons objectives; le choix d'un sujet d'histoire est libre, mais, à l'intérieur du sujet choisi, les faits et leurs liaisons sont ce qu'ils sont et nul n'y pourra rien changer; la vérité historique n'est ni relative, ni inaccessible comme un ineffable au-delà de tous les points de vue, comme un « géométral ». (...)

   (...) Nous parvenons ainsi à une définition de l'histoire. De tout temps, les historiens ont senti que l'histoire se rapportait à l'homme en groupe plutôt qu'à l'individu, qu'elle était histoire des sociétés, des nations, des civilisations, voire de l'humanité, de ce qui est collectif, au sens le plus vague du mot; qu'elle ne s'occupait pas de l'individu comme tel ; que, si la vie de Louis XIV était de l'histoire, celle d'un paysan nivernais sous son règne n'en était pas ou n'était que du matériau pour l'histoire. Mais le difficile est d'arriver à une définition précise; l'histoire est-elle la science des faits collectifs, qui ne se ramèneraient pas à une poussière de faits individuels? La science des sociétés humaines? De l'homme en société? Mais quel historien, ou quel sociologue, est capable de séparer ce qui est individuel de ce qui est collectif, ou même d'attacher un sens à ces mots? 

   La distinction de ce qui est historique et de ce qui ne l'est pas ne s'en fait pas moins immédiatement et comme d'instinct. Pour voir combien sont approximatifs ces essais de définition de l'histoire qu'on multiplie et rature successivement, sans avoir jamais l'impression qu'on est « tombé juste », il suffit de chercher à les préciser. Science de quel genre de sociétés? La nation tout entière, voire l'humanité? Un village? Au moins toute une province? Un groupe de bridgeurs? Étude de ce qui est collectif : l'héroïsme l'est-il? Le fait de se tailler les ongles? L'argument du sorite trouve ici son véritable emploi, qui est de dénoncer comme mal posé tout problème où il peut être employé. En fait, la question ne se pose jamais ainsi; quand nous sommes en présence d'une singularité venue du passé et que tout à coup nous la comprenons, il se produit dans notre esprit un déclic qui est d'ordre logique (ou plutôt ontologique) et non sociologique: nous n'avons pas trouvé du collectif ou du social, mais bien du spécifique, de l'individualité compréhensible. L'histoire est la description de ce qui est spécifique, c'est-à-dire compréhensible, dans les événements humains. 

   Dès qu'elle n'est plus valorisée, la singularité s'efface, parce qu'elle est incompréhensible. Parmi les quatre-vingt-dix mille épitaphes d'illustres inconnus que contient le corpus des inscriptions latines, voici celle d'un nommé Publicius Eros, qui naquit, mourut et épousa entre-temps une de ses affranchies; paix à ses cendres et qu'il retombe au néant de l'oubli: nous ne sommes pas des romanciers et notre métier n'est pas de nous pencher sur Dupont pour l'amour de Dupont et pour attacher le lecteur à Dupont. 

   Seulement il se trouve que nous pouvons sans trop de peine comprendre pourquoi Publicius avait épousé une de ses affranchies; ancien esclave public lui-même (nous dirions employé municipal), comme le révèle son nom, il s'est marié dans son milieu; son affranchie devait être depuis longtemps sa concubine et il ne l'a affranchie que pour avoir une compagne digne de lui. II a pu aussi avoir les mobiles les plus personnels de le faire: elle était peut-être la femme de sa vie ou la beauté locale la plus renommée... Aucun de ces mobiles ne serait singulier, tous s'inscrivent dans l'histoire sociale, sexuelle et conjugale de Rome: le seul fait indifférent pour nous - mais capital pour son entourage – est que Publicius était lui-même et pas un autre; au lieu d'être centré sur l'attachante personnalité de ce Dupont romain, notre roman vrai éclate en une série d'intrigues anonymes: esclavage, concubinat, intermariages, motivations sexuelles dans le choix d'une épouse; tout Publicius s'y retrouvera, mais mis en pièces: il n'y aura perdu que sa singularité, dont il n'y a justement rien à dire. 

   Aussi les évènements historiques ne se confondent-ils jamais avec le cogito d'un individu et c'est pourquoi l'histoire est connaissance par traces (...). II faut seulement ajouter que, dépeçant Publicius en intrigues, nous écarterons les vérités universelles (l'homme est sexué, le ciel est bleu), car l’évènement est différence. (...)

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Luc Desle

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