Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 12 décembre 2012

"Le Destin sonna chez lui le jour même où on lui coupa l'électricité". Jacques Damboise in "Dommage, dommage".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE SAGE NE POSSÈDE PAS LE TEMPS,
COMME LE TEMPS NE POSSÈDE PAS LE SAGE)


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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(58)
pcc Benoît Barvin


Signes

   En se réveillant, il comprit immédiatement qu'il y avait quelque chose qui clochait. Encore endormi, il mit un moment avant de réaliser ce que c'était: il avait perdu la voix. Il avait beau s'escrimer, rien ne sortait de sa bouche. Pas un son, pas une parole, pas de discours. Or il devait en prononcer un, justement ce jour, à la Faculté. Il ne paniqua pas, se fit un gargarisme bien chaud, attendit une partie de la matinée en écoutant une radio culturelle où les voix, elles, fonctionnaient on ne peut mieux: bien chaudes, bien timbrées, graves, résonnant juste... Mais cette attente fut vaine.

   Pendant toute la semaine, il consulta  les spécialistes les plus pointus en phonologie de la Capitale. Personne ne sut lui dire l'origine du phénomène. On se contenta de lui faire passer des tas d'examens onéreux, on lui parla de blocage psychologique et une thérapeute commença à évoquer une vie antérieure. Voyant qu'il glissait dans le n'importe quoi, il se résolut à écrire sa lettre de démission, le dimanche soir, pas vraiment désespéré, mais pas enchanté non plus, on le comprendra sans peine.

   Le lundi matin, il lança sa voix qui, joyeuse, rebondit contre les murs de son immense appartement. Il faillit en pleurer de joie. Il tenta d'allumer la lumière mais rien ne vint. Il descendit de son lit, glissa, tomba et, après quelques essais infructueux pour se mouvoir dans l'espace, il se rendit à l'évidence: il était aveugle ou, du moins, à présent, c'était ses yeux qui ne fonctionnaient plus.

   "Allons bon", fut sa seule réaction. Il était vaguement irrité, d'autant qu'il ne savait plus où il avait posé sa fichue lettre de démission qui, avait-il cru, ne s'imposait plus. "Mais un Professeur aveugle, ça n'est pas mieux qu'un muet", se fit-il la réflexion. Cette fois encore, il consulta des spécialistes ophtalmologistes qui n'y comprirent goutte puisqu'aucune lésion n'était à déplorer. Une thérapeute évoqua un traumatisme d'enfance et, comprenant qu'il reprenait ses mauvaises habitudes, il finit par rejoindre son appartement et attendit.

   Le lundi suivant, en ouvrant les yeux, ceux-ci furent brûlés par le soleil qui rentrait à flot, par la baie qu'il avait laissée vierge de rideaux. Il agita la langue, entama un "Y'a d'la joie" un rien vulgaire, ce qui ne l'empêcha pas de remarquer qu'il n'entendait pas vraiment les sons qu'il produisait.  "Ça recommence", soupira-t-il en constatant que, cette fois, c'était son ouïe qui faisait des siennes.

   Pendant deux mois, il fut ainsi sujet à de soudaines complications concernant ses différents sens corporels: le goût disparut momentanément, ce qui lui permit de perdre un peu de poids puisque les aliments, n'ayant plus de saveur, ne l'attiraient plus. Ce fut ensuite au tour du toucher de "se faire la malle", ce qui lui permit de rompre avec une pourtant délicieuse maîtresse, pour laquelle, désormais, il n'éprouvait plus que du mépris - le fait de coucher avec elle lui avait ainsi permis d'éviter qu'elle ouvre trop grand sa bouche d'où sortaient, en cascades, des idées particulièrement stupides. 

   L'odorat finit par s'effacer, ce qui le ravit un temps car le fumet des étrons des animaux domestiques ne le dérangeait plus... bien qu'il continuât à y marcher dedans. Ces phénomènes duraient une semaine puis, inexplicablement, ils disparaissaient, laissant place à une autre amputation physique. Peu à peu, il comprit qu'il s'agissait là de signes.

   Certes, il n'avait jamais été croyant, mais il savait que l'Esprit qui est derrière toute chose s'exprime par énigmes, et que seules des âmes éclairées peuvent en saisir la quintessence. Il alla donc voir un prêtre à qui il énuméra ses nombreux déboires. L'Homme de Dieu lui dit que le Très-Haut l'avait choisi pour être un genre de prophète, qu'il réfléchisse bien à la Grâce qu'il lui faisait...

   En sortant de la petite chapelle, il avait tourné et retourné l'idée d'être un messager divin. Puis il appela son ancienne maîtresse, lui fixa un rendez-vous et, dans un lit devenu champ de bataille, ayant retrouvé tous ses sens, de lui-même cette fois il effaça de sa mémoire, et les propos du prêtre, et ses récents ennuis physique.

   Puis il retourna au combat, bien décidé à faire hurler de plaisir cette jolie fille...

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"P'tain, dans ce bor..., où j'ai mis ce
scrogneugneu de Coran?"

Rubaiyat of Omar Khayyam, illustrated by Edmund Dulac

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"Oh, le Prince et la Princesse... Et si on les rejoignait?
- Tu es un coquin, toi!
- Pardon?"



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"Mais non, disciple! Pas comme ça!
La baguette... Mets-la à l'endroit...
A l'endroit, bougre d'imbécile!!!"

Artuš Scheiner for Under Command Of Magic 
by J. Š. Kubín (1920s)

(Pour le punir, cet apprenti disciple 
fut aussitôt transformé en hamburger US...)

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"C'est moi qui te fait cet effet, Chevalier?
- Oui, la Mort, car... Heu... Vous êtes
toute nue..."


when the white knight met death on the road
(Source: kellyvivanco, via abystle)

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Blanche Baptiste

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