Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

dimanche 10 février 2013

"L'Envie qui fait Pitié, je n'y crois pas beaucoup. Pas plus que la Pitié qui fait envie...". Jacques Damboise in "Je n'y crois pas beaucoup".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE DOIGT DÉSIGNE LA LUNE.
MAIS LA LUNE, QUI DÉSIGNE-T-ELLE?"


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COURTS RÉCITS AU LONG COURS (71)
pcc Benoît Barvin


Haine

   Le pneu était crevé. Je m'en aperçus en contournant le véhicule et en me penchant. L'incision était nette, à ce qu'il me semblait, et la voiture inutilisable. Du moins pour l'instant. Qui avait décidé ainsi de l'immobiliser? De me faire payer le fait d'être "le" nouveau voisin? J'allai chez le cafetier du coin et pris une bière pression. J'avais besoin de réfléchir. Au bout de trois bocks, ma pensée avait enflé, se nourrissant de tous les petits incidents qui avaient émaillé mon emménagement.

   D'abord, j'avais dû faire plusieurs fois le tour du pâté de maison pour trouver un place. Aucun de mes nouveaux condisciples, dans l'immeuble, ne m'avait aidé. Ils n'avaient pas eu non plus la décence de laisser ouverte la porte d'entrée, de sorte que j'avais à chaque fois dû déposer mes cartons, sortir ma clé, l'enfoncer dans un penne qui, d'avoir trop servi, fonctionnait mal. J'avais loué au quatrième étage. Il fallait se farcir 64 marches, au cours desquelles on passait, successivement:

   Devant des maghrébins qui faisaient sans cesse du couscous, ou du mouton, ou je ne sais quoi d'autre; des blacks - une mère et les deux filles - qui laissaient leur porte ouverte et remuaient des fesses sur des rythmes chaloupés et indécents; une famille venue du centre mou de l'Europe - Roumains ou apparentés -, dont les enfants étaient sales et vous jetaient des regards sournois; un Anglais qui vivait en couple avec un Allemand (!), ce qui ne lassa pas de me surprendre...

  Les locataires du petit immeuble étaient bigarrés, pas vraiment non sympathiques, d'ailleurs, mais bruyants, odorants et de culture différente. Dès la première journée, j'en eus ma claque. Mais j'avais une mission et chacun doit bien boire sa coupe jusqu'à la lie, n'est-ce pas, s'il veut progresser? Je collai une croix sur la porte de mon appartement, ce qui attira aussitôt des quolibets. 

   Après l'histoire de la porte d'entrée, le second incident fut à mettre à l'actif des petites crapules ex-yougoslaves qui taguèrent mon crucifix dans la nuit en écrivant, sur un bout de papier, coincé sous la croix, "Il é ou son zizi?". Je n'en tins pas compte, j'avais mieux à faire. Je m'occupai toute la journée sur le site du Parti, en évitant, d'abord, d'écouter les rumeurs d'éclats de voix, de musiques de sauvages, de bruits de casseroles et autres nuisances sonores. Quatre heures plus tard, j'avais pris deux cachets de mon psychotrope habituel et je travaillais avec des écouteurs sur les oreilles.

   C'est le Parti  qui m'avait trouvé l'immeuble. Le chef de section avait souri, derrière sa moustache, et il avait dit: "Tu verras, Compagnon, ça te fera le plus grand bien... Je sens que cette promiscuité va enflammer tes neurones et que tu vas vite grimper dans la hiérarchie". A présent, au bout d'une semaine, face au pneu crevé, et après plein de petits faits en apparence anodins, j'en étais persuadé.

   Le pneu succédait à la serrure de mon appartement qui refusait souvent tout service immédiat, elle aussi (la faute à qui?); aux saluts ironiques des voisins qui voulaient tous m'inviter à manger, chose que je refusais sous les prétextes les plus divers. Je savais qu'on ne fraternise pas avec l'Ennemi. Je restais prudent, souriait quand il le fallait et même, deux ou trois fois, je montai les sacs de la grosse Black, avec répugnance il est vrai, mais ma côte remonta elle aussi instantanément auprès de la population de l'immeuble.

   Je réussis à ne pas trop les côtoyer "physiquement". Quand j'étais enfermé chez moi, je "craquais" le mot de passe de leur box et j'allais piocher tous les renseignements utiles au Parti.  Je me rendais souvent dans le café voisin et écoutais les conversations, en distillant, ici et là, quelques propos rassurants sur un futur qui serait moins anxiogène... Je parlai du pneu crevé, du bruit, des différences "culturelles", et un autre amateur de boissons forte fit écho à mes paroles,  avouant qu'il n'attendait qu'un ordre pour se débarrasser, lui et ses potes, de toutes les "raclures de bidet" étrangères. Mon travail de lobbying portait peu à peu ses fruits. Je crois d'ailleurs que le pneu crevé a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase...

  Le Parti n'utilisait pas encore la violence. Il avait évolué et préférait se servir des "armes" de la technologie. Il m'ordonna donc rapidement de faire plonger mes voisins, un à un, dans différents trafics fictifs, mais qu'il fallait rendre crédibles. C'est, je l'avoue, avec une certaine jubilation que j'accomplis cette tâche. La Black se fit arrêter pour proxénétisme aggravé (elle vendait ses propres filles à des types libidineux); le couple homo fut arrêté car il aimait les petits enfants (ceux qui avaient tagué mon crucifix avouèrent tout); les maghrébins plongèrent en raison d'un trafic de shit (que je réussis à mettre, sous forme de mignons petits sachets, dans les WC), etc .

   On me félicita, une fois que l'immeuble fut enfin débarrassé de ses nuisibles. Il faut dire que la population du quartier m'avait beaucoup aidé, auparavant, en déclenchant plusieurs incendies mystérieux, ou quelques tabassages nocturnes, en suivant rigoureusement mes instructions - et avec des scénarios que j'avais moi-même conçus et qui se révélèrent parfaits. Comme me l'avait prédit mon chef de section, je pris du galon et, après quatre mois de ce travail de fourmi, je fus affecté au service de propagande. Je partis de l'immeuble avec la satisfaction du devoir accompli.

   Je m'arrêtai devant le véhicule dont le pneu avait, en quelque sorte, cristallisé les ressentiments de mes affidés et je souris intérieurement. Bien entendu, j'étais le responsable de ce petit acte de vandalisme et jamais je n'aurais pensé qu'un geste si rapide, si anodin, en apparence, eut autant de superbes conséquences...

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(Lectrice, lecteur: saurez-vous désigner 
le Dieu de l'Amour parmi ces 3 archers qui...
Ah, excusez-moi... On me signale qu'aucun de ces gentlemen 
ne tire sur leurs proies pour les enivrer d'amour 
mais pour les...  QUOI? Mais c'est horrible!
Que fait la Police?"

Bryson Burroughs (American, 1869-1934), The Archers, 1917. 
Oil on canvas, 30 x 30 in. Smithsonian American Art Museum, Washington, D.C


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"Mais, Gontran?! Je ne parlais pas en vrai...
Je ne faisais que vous lire l'extrait
de ce roman cochon... Veuillez remettre 
de l'ordre dans... Hem... votre tenue, je vous prie"

Alan Foster, Cover detail, Colliers, December 1932
awake. with this look on my face.

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"Votre histoire de fou et de plafond ne me fait
pas rire, Monsieur Guignol... Je suis désolée,
mais vous ne serez pas mon nouveau chambellan..."

http://lacriniere.tumblr.com/

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"Alors? Que penses-tu de ma démarche?
- Superbe, vraiment, maîtresse...
Mais, heu... Avec une robe, ce serait mieux..."


Kupka_Money_1899

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Blanche Baptiste (sous influence Damboisienne)

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