Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

dimanche 30 juin 2013

"Cette chaise roulante roulait au pas". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LES PENSÉES
SONT LE BOUCLIER DE L’ÂME)

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LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/53)
pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

   Le drame se précise, via les onguents d'Angélus, la chaleur qui fait tourner les coeurs et broie les corps...
ANGÉLUS 
ou 
LES SECRETS DE L’IMPALPABLE


Jeune-Femmes-Going-To-A-Procession-Jules-Breton

   Sur le chemin qui menait à la chapelle, tandis que les Soeurs chantaient, les conversations allaient bon train. Il n’y était question que de l’apothicaire et des cas d’eczéma qui fleurissaient depuis qu’ils n’étaient plus traités par lui. Sans compter les vieilles maladies de peaux qui se réveillaient avec les chaleurs. 

   Au bout du compte, ne ferait-on pas mieux de lui faire confiance ? N’était-ce pas plutôt une malédiction qui planait sur le village, une malédiction dont il n’était pas responsable ? Certains branlaient du chef, convaincus ; d’autres réprimaient une moue dubitative. Après tout, n’est-ce pas, il n’y avait pas de fumée sans feu... 

   Bref, les coeurs en étaient plus aux interrogations qu’à la fête. A ce climat de doute et de malaise général, une fois que l’on fût arrivé à la chapelle, le Père Grangeais ajouta un sermon dans lequel il était justement question de châtiment divin où Dieu lui-même faisait intervenir Satan, ce qui eut pour effet de les troubler davantage et de les laisser totalement indécis quant à l’attitude à adopter vis à vis de Gabrielli. 

   Au sortir de la chapelle, cependant, les participants retrouvèrent leur gaieté et chacun entreprit de ripailler avec force démonstration de joie. Au cours du pique-nique, qui se déroulait à cinq kilomètres de là, sur une aire à l’herbe rase d’où l’on dominait Fontseranne, les Soeurs ne furent pas les dernières à s’amuser, à rire et à boire plus que de raison. La lourdeur de l’air rendait chacun nerveux et les cris sonnaient faux. 

   Elaine, qui était assise entre les deux novices, ne mangeait que du bout des lèvres. L’orage qui approchait lui donnait mal au cœur. Les odeurs des victuailles mêlées à celles des corps transpirants étaient insupportables. Elle se recroquevillait sur elle-même, la tête prise dans un étau, assommée par l’attitude insouciante de Sœur Adèle et de Sœur Jeanne qui ne cessaient de glapir sottement. 

   Certaines des religieuses, dont les deux novices, se barbouillèrent la figure avec des cerises, mais elles durent cesser sous les remontrances de Sœur de la Miséricorde. Cela devenait indécent et de plus cela attirait les guêpes ! De fait, il en arrivait de plus en plus et la présence de ces insectes vrombissant ne tarda pas à mettre Elaine au bord de la crise de nerfs. La Mère Supérieure tenta alors de la rassurer. 

   - Voyons, ce n’est rien mon enfant. Regardez, elles sont inoffensives. 

   Et, de ses doigts délicats, elle les chassa du groupe. 

   - Faites attention, ma Mère, vous en avez sur les pieds aussi ! s’exclama Sœur Adèle. 

   Alors, une dizaine de guêpes s’agglutinèrent un instant sur ses mains et sur ses orteils. On poussa des cris, pensant que la Supérieure allait se faire piquer. Pourtant, Camille de l’Incarnation ne se plaignit de rien. Ses extrémités lui étaient insensibles. Le Père Grangeais, rendu nerveux par cette agitation, lui assura qu’elle avait sur la main des traces de piqûres et qu’à son âge ce n’était pas très bon, qu’elle risquait une allergie. Il alla quérir le docteur Gleize qui mangeait avec les autorités. 

   - Qu’en pensez-vous docteur ? 

   Ce dernier n’eut pas le temps de lui répondre. La main de Sœur Camille commença à enfler, à se boursoufler de toute part, arrachant à la malheureuse des cris plaintifs. 

   - Mais que m’arrive-t-il ? Je veux voir Angélus ! balbutia-t-elle. 

   - Allons, ma chère, ressaisissez-vous, lui enjoignit le prêtre. Le docteur va vous soigner. 

   - Non, seul Angélus peut m’aider ! hurla la religieuse en tentant de se lever. 

   Autour d’elle s’était fait un attroupement. Qu’arrivait-il à la Mère Supérieure et pourquoi appelait-elle l’apothicaire par son prénom ? Se connaissaient-ils avec un si grand degré d’intimité ? 

   Elaine comprit immédiatement, en voyant la peau de Sœur Camille se couvrir de phlyctènes, qu’elle faisait une réaction à la crème d’Adrien. Tout son visage était maintenant enflé, les paupières et les lèvres bouffies, d’une rougeur extrême. La religieuse, toute tremblante, se mit à bafouiller. 

   - Ce sont ces crèmes qu’il me met... Seigneur Jésus, ayez pitié de moi ! 

   Un murmure de désapprobation commença à se propager parmi les badauds. 

   - Elle délire, dit le prêtre, elle est prise de fièvre, n’est-ce pas docteur ? 

   Ce dernier, réalisant qu’il avait à faire à une machination d’Angélus, ne voulut pas risquer sa réputation. 

   - Je pense, hélas, que ce cas ne relève pas de la médecine mais bien de la sorcellerie et je crains que Monsieur Gabrielli n’ait poussé un peu loin ses besoins d’expérimentation. Tous les Fontserannais peuvent en témoigner. Il est temps de réagir. Pour ma part, je ne peux rien faire pour la Révérende Mère. 

   Ce dernier mot fit tressaillir le prêtre. Sœur Camille n’avait en effet plus rien de la religieuse respectable qu’il avait toujours protégée. Ses condisciples l’entouraient, sœur de la Miséricorde la première, et elles tentaient de la calmer, mais en vain. La Mère supérieure s’agitait de plus en plus, exhibant ses mains boursouflées, ses pieds de plus en plus déformés. Sous le voile, son visage se marbrait, paraissait se métamorphoser en une espèce de gargouille telle qu’on les voit à la capitale, sur les tours de Notre Dame. 

   Mais il y avait pis que cet aspect extérieur. Sœur Camille de l’Incarnation osait dévoiler devant tout le monde ses rapports illicites avec Angélus. Des rapports, qu’en son for intérieur, le Père Grangeais jalousait depuis qu’il en avait eu connaissance. 

   En dépit des efforts des soeurs, la religieuse fut prise de soubresauts et on s’écarta, la laissant s’agiter au milieu d’un cercle de badauds brusquement terrifiés. Plus les minutes passaient, et plus elle devenait ce qu’elle aurait dû être sans le secours des potions miracles qu’elle s’administrait depuis des années. 

   A ce propos, le Père Grangeais réalisa soudain que sa beauté, si elle était plus rayonnante depuis l’arrivée de cet apothicaire, remontait tout de même à une quinzaine d’années, vingt peut-être, il ne savait plus, date à laquelle Camille ne pactisait pas encore avec ce diable. 

   Il avait mis alors son teint resplendissant sur le compte de son entrée en religion, ce qui l’avait attaché plus encore à Camille, car il voyait dans cette beauté un signe venu du ciel. Il ignorait que Jean lui avait laissé des recommandations avant son départ. 

   Camille lui cachait donc quelque chose. Son pacte avec le Diable datait de longtemps et il avait ainsi adoré, ces longues années durant, un suppôt de Satan ! Cette Camille ne valait pas la peine qu’il se perde aux yeux du Très Haut. N’était-elle pas fille Galin, sœur d’un mécréant marqué dès sa naissance et rejeté par tous ? Toutes ses terreurs nocturnes, ses effrois de l’âme le submergèrent et il n’y eut plus, dans son cœur soudain racorni, que de la haine et du désir de vengeance afin de sauver ce qui restait de sa sainteté si durement éprouvée. 
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(A Suivre)

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"C'est super! Quand je tourne, ma robe elle fait pareil!"


metin demiralay

(Cette ex-blonde gardait quelques séquelles
de son ancien état)

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"Je dors debout..."


Clear by Vladimir Fedotko

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(La campagne "Moi j'aime faire de la bicyclette avec des bas"
ne fit vendre aucun de ces moyens de locomotion...)


by Ksenia Sazanovich

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(Ces nouveaux métiers pour jeunes filles n'ayant pas froid aux yeux
réclamaient une certaine souplesse)


Busosnyatie. by Vladimir Fedotko


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Jacques Damboise

samedi 29 juin 2013

"Il était gai de ne pas l'être et on le lui reprocha". Jacques Damboise in "Pensées inconvénientes".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE TEMPS N'APPARTIENT A PERSONNE)

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LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/52)
pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste



   Soeur Adèle et Elaine jouent, malgré elles, les voyeuses en apercevant Angélus Gabrielli qui se baigne nu dans la rivière...

ANGÉLUS
ou
LES SECRETS DE L’IMPALPABLE




Jeune homme nu assis au bord de la mer, 1836,...
bonjourtableau.fr



   Elaine courut jusqu’au couvent. Elle alla dans sa cellule, sortit de son sac le pot d’onguent d’Adrien et, alors que la cloche du repas sonnait, elle se glissa dans la chambre de Sœur Camille, subtilisa l’onguent que cette dernière utilisait et posa à la place celui d’Adrien sur la commode. Elle savait que chaque après-midi, à l’heure de la sieste, la Mère Supérieure ne manquait pas de s’en oindre le corps.

   Le reste de la journée, elle le passa à tresser des couronnes avec Sœur Adèle et ses compagnes. Ces dernières se réjouissaient comme des enfants de la fête du lendemain. On irait jusqu’à la chapelle Saint Jean, avec tous les habitants du bourg, à pied, en une longue procession, puis on ferait un repas champêtre et le soir, on chanterait autour du feu de l’été. 

   Adèle ne disait rien, les yeux perdus dans le vague, se contentant de sourire. Elaine aussi se taisait, savourant à l’avance une vengeance dont elle ignorait encore le tour tragique qu’elle allait prendre.

CHAPITRE 21

   Angélus, dissimulé derrière les vitres de sa boutique, regarda la procession traverser la place. En tête venait le père Grangeais, flanqué de deux enfants de choeur portant ciboire et oriflamme, puis suivaient le sacristain et toute la congrégation entourant la statue de Saint Jean. Derrière piétinait la populace avec en premier le Maire, suivi des notables au milieu desquels se trouvait le docteur Gleize qui cultivait ainsi son image de marque. 

   Que ferait ce dernier lorsque toutes les crèmes qu’il commercialisait à Paris « tourneraient », comme avaient fait celles de Monsieur Fumel ? Ce serait une bien désagréable surprise pour lui ! Mais Angélus pensait que ce serait un juste retour des choses et il se félicitait d’avoir glissé dans les formules données à Gleize des composants qui, associés, ne manqueraient pas de faire naître ce fameux virus destructeur. Il aurait alors tout intérêt à ne plus être dans les parages. De toute façon, au mois d’août, il aurait quitté le bourg...

   Il apercevait dans le cortège ses soeurs aînées, Thérèse, Mariette et Germaine, accompagnées de leur progéniture que les costumes endimanchés ne parvenaient pas à embellir. Quant à ses frères, Michel, Joseph et Pierre, on eût dit des monstres : son œuvre souterraine avait fait des dégâts. Tous ceux qu’il avait connus ou fréquentés de près ou de loin semblaient désormais faire partie de la Cour des Miracles.

***

   Il faisait encore plus chaud que la veille, une chaleur lourde annonciatrice d’orage. D’ailleurs, vers l’est, d’énormes nuages s’amoncelaient et, poussés par un vent fort, commençaient à envahir le ciel entier. Sous cette canicule, tous allaient légèrement vêtus. Les Sœurs étaient en sandales de cuir et portaient leurs robes blanches réservées aux jours de fête dont l’étoffe était plus légère que celle de leurs tenues ordinaires. Elles chantaient des cantiques. Au milieu d’elles, Camille avait l’air fatigué.

   Pauvre Camille ! Angélus se demanda s’il parviendrait jamais à l’extraire de sa condition. Tout en elle sentait la spontanéité réprimée, l’angoisse face à l’idée qu’elle se faisait de Dieu, les formules toutes faites, la contrition permanente. Cela nuisait même à l’éclat de son teint. Les meilleurs onguents pourraient-ils lutter contre cette grisaille et ces remords qui la rongeaient de l’intérieur ? Ne devrait-il pas abandonner cette idée de l’emmener avec lui ? Ces questions le taraudaient et il comprit que ses jours à Fontseranne étaient comptés. Une fois encore, il devrait partir à l’aventure

***
(A Suivre)

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"Je prédis que cet extrait d'article va être boycotté
par 69% de lecteurs et lectrices..."

Daniel Kahneman. 
«Les gens sont infiniment compliqués»
Propos recueillis par PHILIPPE NASSIF

   (...) / Venons-en donc à votre théorie principale sur laquelle s’étayent toutes vos observations : notre cerveau est régi par deux personnages conceptuels que sont le« Système 1 » et le « Système 2 ». Comment les présenteriez-vous ?

   Le Système 1 régit notre intuition : il est automatique, procède par associations, cherche les relations de cause à effet et ne s’appuie que sur le particulier. Il n’a aucun atome crochu avec les statistiques ou les grands ensembles. Ce qu’il veut, ce sont des histoires, il cherche la cohérence. Or la cohérence ne dépend pas de la quantité de connaissances et de preuves qu’on a sur un sujet : nous pouvons tirer des conclusions fortes à partir de très peu. C’est ce que j’appelle « Covera » : c’est « Ce qu’On Voit Et Rien d’Autre » qui gouverne la plupart de nos impressions. 

   Prenez par exemple « l’effet de halo » qui nous pousse à parer de toutes les qualités (intelligence, fiabilité, compétence) une personne qu’on a trouvée simplement sympathique lors d’une soirée. Dernier point : le sentiment d’aisance avec lequel le Système 1 trouve une réponse renforce sa confiance dans son jugement…

   / Et en face, le Système 2 est paresseux…

   Le Système 2 a la capacité de raisonner, de résister aux suggestions du Système 1, de ralentir les choses, de faire preuve d’analyse logique et de livrer nos illusions de validité à une autocritique. Mais il n’intervient que contraint et forcé. Lorsque notre Système 2 entre en action, nos pupilles se dilatent, notre rythme cardiaque s’accélère, notre cerveau dépense une dose de glucose. Cela demande effort et concentration de pouvoir soutenir deux scénarios contradictoires. C’est pourquoi, la plupart du temps, le Système 2 se contente de valider les scénarios d’explication qui viennent du Système 1 : il est plus facile de glisser vers la certitude que de rester campé sur le doute.

   / D’où, souvent, de fausses justifications à partir de faits lacunaires ?

   Revenons à notre étanchéité à l’égard de la logique statistique. Une enquête sur les 3 141 comtés américains nous apprend que le taux de cancer du rein le plus bas se rencontre dans des comtés ruraux, peu peuplés et situés dans des États votant traditionnellement pour les républicains. Vous réfléchissez quelques secondes, écartez le facteur républicain, vous focalisez sur la dimension rurale de ces comtés et en concluez que, en effet, un mode de vie plus sain, sans pollution ni nourritures chimiques explique que les cancers soient moindres.

   Mais voilà, cette même enquête révèle que les comtés où il y a le plus de cancers du rein sont ruraux, peu peuplés et situés dans des États votant traditionnellement pour les républicains ! Logique, me répondrez-vous : la pauvreté et l’accès difficile aux centres de soin expliquent pleinement ce résultat ! À chaque fois, vous avez puisé dans votre mémoire associative pour offrir l’explication la plus cohérente. Mais la vérité est que les petits échantillons enregistrent – statistiquement – des résultats extrêmes, dans un sens comme dans l’autre : ils ne sont simplement pas représentatifs.

   / À l’image de cet exemple, la lecture de votre livre est déstabilisante, car elle nous démontre nos erreurs en direct.

   C’est vraiment la clé de notre succès : tous nos articles commençaient par une expérience auquel le lecteur pouvait lui-même se livrer et qui lui montrait directement les biais intuitifs dont il est victime. J’avais été très impressionné par la psychologie allemande du Gestalt. Les images qu’elle utilise permettaient au lecteur d’expérimenter des phénomènes d’illusion : dans un dessin, selon que vous observez la forme de deux profils qui se font face ou celle d’un vase, vous voyez deux choses différentes. C’est ce qui m’a inspiré notre manière de soumettre systématiquement le lecteur à une expérience ironique sur lui-même.

   / Mais nos intuitions, à défaut d’être justes, peuvent nous être utiles : sans les espoirs, certes excessifs, qui soutiennent nos entreprises, nous ne ferions rien.

   Oui, c’est le « biais optimiste »qui est le moteur même du capitalisme : nous exagérons toujours les chances de succès de ce que nous entreprenons. Mais cette tendance est heureusement contrebalancée par cet autre biais cognitif qu’est« l’aversion aux pertes ». Il y a alors un jeu de balance entre ces deux tendances, qui pare à un excès de témérité ou de conservatisme : nous sommes partagés entre des prévisions courageuses et des décisions timides.

   / Vos travaux sur l’intuition ont été l’enjeu d’une controverse qui, de façon exceptionnelle, s’est révélée fertile.

   Nos recherches sur l’intuition étaient en effet attaquées par l’école adverse menée par Gary Klein, pour qui un raisonnement intuitif tombe le plus souvent juste. Plutôt que de répondre par articles interposés, je lui ai proposé ce que j’appelle une « collaboration de confrontation » : il s’agit d’écrire avec son contradicteur un article à propos de nos divergences. Il a accepté et s’en est suivi un long échange de sept à huit ans au bout duquel nous avons pu signer un article intitulé : « Conditions d’une expertise intuitive : comment nous avons échoué à être en désaccord ». 

   En fait, nous ne parlions pas de la même chose. Il y a une différence entre l’anticipation à court terme et les prévisions à long terme : entre un pompier qui sent, sans se l’expliquer, qu’une maison va s’effondrer dans la minute et un spécialiste du Moyen-Orient qui livre ses prédictions sur l’évolution de la région. Car une compétence intuitive ne peut se développer que s’il y a un environnement suffisamment régulier pour être prévisible et la possibilité d’apprendre ces régularités grâce à une pratique durable – il faut à peu près dix mille heures de pratique pour devenir un expert. 

   C’est le cas pour le pompier ou l’infirmière qu’étudiait Klein et pas du tout avec les économistes et les politistes que j’étudiais. De même, un thérapeute, fort de pouvoir deviner comment son patient va réagir à ce qu’il lui dit, va s’imaginer qu’il peut aussi prédire où ce dernier en sera dans un an. Par excès de confiance, nous avons tendance à aller au-delà de notre champ de compétence. (...)

Lire l'entretien sur:

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"Il s'agit d'un couple de Chat/Chatte.
Et moi je suis leur Papa/Maman"


http://deforest.tumblr.com/

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"Non! Madame n'est pas une transgenre,
Monsieur le malotru! Pas plus que moi!"



Daphné Guinness: celle qui a piqué BHL à Arielle Dombasle ...
allainjules.com

PAKISTAN AUTREMENT 
Première candidate transgenre

   (...) Pour la première fois dans l'histoire du Pakistan, depuis sa création en 1947, les élections législatives vont marquer le passage entre deux gouvernements civils démocratiquement élus. Ce scrutin est également une première à un autre titre: une candidate transgenre a été autorisée à briguer un poste de députée par la Commission électorale. 

   Bindiya Rana explique clairement ses motivations : "Je ne me suis jamais vraiment intéressée à la politique du pays. Mais à présent, il me semble que le temps est venu pour les gens ordinaires que nous sommes de nous faire entendre et de nous présenter aux élections pour faire éclater la mafia des propiétaires terriens, des hommes d'affaires et des politiciens professionnels [qui dirigent le Pakistan]". (...) (et pendant ce temps-là, en France, pays de la Liberté...)



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Luc Desle

vendredi 28 juin 2013

"Il attendait du futur de n'y être pas". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(TU ES JUSTE UN FÉTUS DE PAILLE 
DANS LE COURANT)

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LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/51)
pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


   Elaine Cantagril se retrouve face à Angélus Gabrielli, responsable de la mort de son fiancé...
ANGÉLUS
ou
LES SECRETS DE L’IMPALPABLE



Les-Comediens-italiens-Jean-Antoine-Watteau

   Le lendemain matin, il faisait encore un temps splendide. Sur la place du bourg, quelques baraques étaient en train de s’installer à la grande joie des enfants.

   Angélus sortit par la porte de derrière et coupa à travers champs jusqu’à la rivière. Il lui fallait prendre une décision quant à l’orientation à donner aux futurs événements. Somme toute, il avait atteint son but puisque les villageois en étaient maintenant réduits à l’état de dépendance. Par contre, lui, n’avait pas encore réussi à sauver sa main gauche, et il ne s’était toujours pas offert le plaisir suprême, eu égard à Camille, de leur révéler son identité. Alors que faire ? Partir sans mener sa vengeance à son terme, ou rester encore jusqu’au triomphe espéré ? C’était là un dilemme difficile à résoudre.

   Le soleil inondait les rochers plats. Angélus s’y allongea. La chaleur bienfaisante caressait son corps, comme nul être n’aurait pu le faire, il le savait. Dans ces longues et lointaines pérégrinations, jamais il n’avait rencontré de mains assez souples et chaleureuses capables de rivaliser avec les rayons du soleil. Certes, il en avait senti qui avaient du magnétisme, du savoir-faire dans l’art des massages, mais jamais cette vibration, cette énergie solaire que lui possédait au bout de ses doigts et dans le creux de sa main. 

   Il était tellement dans l’instant qu’il n’entendit pas arriver Sœur Adèle, ni plus tard Elaine. La première était venue sous le prétexte de ramasser des fleurs dont elle ferait des couronnes, pour la fête de la Saint Jean. Elle espérait bien revoir Monsieur Gabrielli qu’elle avait déjà aperçu, quelques jours avant, en train de se baigner là, près de la cascade. Le spectacle de cet homme resplendissant de beauté, se baignant nu comme aux temps bibliques, l’avait laissée dans une telle extase qu’elle n’eut de cesse de revoir encore celui qu’elle avait surnommé, dans son cœur, l’archange Gabriel. 

   Sa naïveté et sa candeur l’avaient jusque là protégée des vaines culpabilités. Pour elle, le mal ne pouvait pas habiter la perfection, et Angélus était parfait, hormis cette main que d’habitude il tenait gantée et qui, dénudée, semblait de loin malade.

   Sœur Adèle avait veillé à ne pas être suivie, mais Elaine avait remarqué chez sa compagne une telle effervescence qu’elle avait tenu à la suivre pour voir ce qui pouvait à ce point lui rendre le cœur léger. Elle la trouva donc debout derrière un saule, comme figée dans une admiration béate, littéralement transportée vers des espaces divins. Et, tout là-bas, sous les embruns de la cascade, un homme se laissait caresser par l’eau bouillonnante.

   Tout d’abord elle ne reconnut pas Angélus car l’eau estompait les traits de son visage, mais elle vit la main gauche de l’homme et comprit qu’il s’agissait de l’apothicaire. D’ailleurs, qui d’autre dans le bourg serait venu à cette heure se baigner seul ? Tous vaquaient à leurs affaires, ou étaient occupés aux premières moissons. 

   Puis Angélus sortit de l’eau. Elaine étouffa un cri. Adèle n’avait pas bougé. Elle continuait à regarder son archange dans sa splendide nudité. Et on pouvait lire dans son attitude toute la dévotion muette qu’elle lui vouait. Nulle trace de sentiments troubles. Une totale contemplation.

   Elaine, comme médusée par l’atmosphère recueillie de la scène, se risqua à contempler Angélus qui s’était de nouveau étendu sur les rochers. Son regard glissa sur ce corps d’ange qui gisait là dans toute son innocence. Puis l’évidence s’imposa à elle : ce corps n’avait pas de sexe. Du moins le lui sembla-t-il tant elle mit de la hâte à risquer sa vue sur cette masculinité, son éducation lui interdisant de se livrer à un tel voyeurisme. Succédant à la mollesse et à la confusion qui s’étaient emparées d’elle, la détermination prit le pas. Il fallait au plus vite se débarrasser de cet étrange meurtrier qui risquait, si on le laissait faire, de contaminer les plus pures.

   Adèle s’était, elle aussi, arrachée à sa contemplation. Elle ramassait à présent des brassées de fleurs, tout enivrée par le spectacle auquel elle avait assisté.

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(A Suivre)

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"Aïe nide you for
bouter l'Anglois out aware frontier"


Les Femens ne portent pas 
de tee-shirts (dicton franglais)
Théophraste R. 

   (...) Les Français, réputés allergiques aux langues étrangères, sont-ils subrepticement devenus anglophones ? Oui, prétendent les enseignes, les pubs, et jusqu’aux noms d’entreprises : épiceries Carrefour City, France Telecom (sans accents aigus), téléphonie Free, Photo-shop…

   Les pires sont les tee-shirts. Il suffit de changer la lettre « j » par « i » et le « J’aime » français devient « I love ». Pour quel bénéfice, ô pédants prétentieux, fats et ignares à la fois?

   Le nec plus ultra est de supprimer aussi l’article : « I love télévision ». Et non pas « la » télévision. Et notez bien la présence des accents qui, là, ne devraient pas y être, puisqu’on prétend parler anglais.

   C’est le déferlement d’un franglais pathétique. Ah ces complexés recalés au bac qui arborent des tee-shirts de l’université de Los Angeles (UCLA) ou de la poulaillerie New-yorkaise (NYPD), à commencer par l’ex-président de la France, qui parle anglais comme moi, quand je fais le pitre : hi vrite tout te blaque bohardd visse ha pisse of chalque ! (Dedaj et Gensane, anglicistes pointus corrigeront cette phrase).

   (Qui sur la photo ? J’hésite entre Marine et Marion. En tout cas, ce n’est pas Marianne).

   PS. « I love télévision » ! Je ne vous dis pas le niveau de bêtise inconsciente et satisfaite nécessaire pour se transformer fièrement en femme-sandwich qui proclame en subliminal :« I am une abrutie de première et je veux que vous le sachiez ». (...)


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(Cette blonde cherchait ses lunettes)



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"Je dois garder ce chapeau encore un peu...
Ensuite, m'a dit ma Belle-Mère, ce sera
LA surprise... J'ai hâte!"


Les exclus du mariage pour tous
Wojtel Zralek-Kossakowski 

   (...) Et dire que ça devait être si beau… De la liberté, de l'égalité, de la fraternité. La loi sur le mariage homosexuel était présentée sous le joli intitulé de "mariage pour tous".

   On a dit que l'Etat français faisait un pas de plus pour accorder à des exclus le droit de décider de leur destin. Désormais, de nombreux homosexuels pouvaient ne plus se considérer comme des citoyens de seconde zone. C'était l'accomplissement de Révolution française. Vive la France ! Allez les Bleus !

   Cependant, les médias français ont découvert l'existence d'une circulaire ministérielle relative à la loi sur le mariage homosexuel, selon laquelle un(e) citoyen(ne) français(e) peut se marier avec un(e) ressortissant(e) étranger(ère), sauf si celui-ci ou celle-là sont citoyens algériens, bosniens, monténégrins, cambodgiens, laotiens, serbes, kosovars, marocains, slovènes, tunisiens ou... polonais. Tout cela à cause d'accords bilatéraux datant pour certains des années 1950 et 1960.

   Algérie, Cambodge, Laos, Maroc, Tunisie... Difficile d'oublier l'épisode colonial. Justement, la moitié de ces pays ont eu un "partenariat" difficile et douloureux avec la France. Les médias français évoquent cette question et ce n'est guère étonnant : comment marier la réalité avec les beaux slogans sur le mariage pour tous ? Le gouvernement français n'a pas encore pris position et l'on assiste à une sorte de bras de fer entre le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères.

   La Pologne et la France ont signé un accord bilatéral en 1967 selon lequel, en matière de mariage, les citoyens polonais dépendent de la législation polonaise. Il est étonnant qu'aucun des fonctionnaires polonais (et pourtant, la chaîne de télévision TVN24 en a interrogé plusieurs) qui se sont prononcés au sujet du mariage entre Joanna Duda et Anu Czerwinski [les autorités polonaises ont refusé de fournir une attestation à Joanna sous prétexte que le mariage était contracté selon la Constitution polonaise entre un homme et une femme, le nom du futur époux figurant sur le document] n'ait été au courant de l'existence de cette circulaire.

   Cette triste affaire nous montre non seulement que l'exclusion est réelle, mais aussi qu'elle est politique. Plus encore, elle est supranationale. Pourquoi un(e) citoyen(ne) tchèque peut-il (-elle) se marier avec son (sa) partenaire français(se) pendant qu'un(e) Polonais(e) ne le peut pas ? Pourquoi une femme domiciliée en Algérie peut-elle se marier avec un homme vivant en France alors qu'une femme originaire d'Algérie ne peut pas se marier avec une femme installée en France ? Le mariage n'est-il pas pour tous ? (...)

Note :*en français dans le texte


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Benoît Barvin

jeudi 27 juin 2013

"La petite flamme qu'on voyait dans ses yeux éclairait sa pensée". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LA MONTAGNE NE SE TRAVERSE PAS)

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LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/50)
pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste


   Angélus Gabrielli, l'apothicaire, est en butte à des plaintes concernant ses onguents qui se révèlent, au final, pernicieux...

ANGÉLUS 
ou 
LES SECRETS DE L’IMPALPABLE 


CHAPITRE 20

   C’était un mois de juin magnifique. Angélus avait vu ces derniers temps sa clientèle particulière l’abandonner. Seuls les patients envoyés par le docteur Gleize se risquaient à franchir le seuil de la boutique, et encore se montraient-ils réticents à lui faire réaliser des préparations, préférant acheter des remèdes manufacturés, comme il en existait désormais sur le marché.

   Certains clients commandaient même leurs remèdes à Espigouze ou à Aubenac. A ce rythme-là, il était évident que la pharmacie allait faire faillite, et c’était ce que souhaitaient de tout cœur les Fontserannais.

   Angélus, cependant, goûtait une joie secrète, car tous voyaient leur santé péricliter. Ils recouvraient leur apparence hideuse, chaque jour un peu plus. Et cette fois, aucun onguent miraculeux ne pouvait les soulager. Ils en étaient tenus, pour pouvoir se venger de lui, à vivre dans des affres tellement insupportables que la tension avait monté d’un cran. Angélus, aux regards meurtriers que tous lui adressaient, avait compris qu’il valait mieux se trouver le moins souvent possible sur leur chemin. 

   Il continuait à se rendre au couvent le vendredi car c’était la saison où l’on herborisait le plus, et il donnait des conseils pour le séchage des plantes. Mais au lieu de n’y rester que quelques heures en début d’après-midi, il avait décidé de partir de bon matin, laissant pendant ce temps sa boutique close. Ce qui fut très mal pris par les Fontserannais, bien qu’ils aient reçu comme consigne de se passer de ses soins. 

   Eux le voulaient fidèle au poste, au service de leur bon vouloir. Jamais le Sieur Andrieu n’aurait laissé son officine fermée toute une journée ! D’ailleurs, il avait toujours un apprenti ou un commis pour l’aider, chose à laquelle Angélus s’était catégoriquement refusé, préférant travailler seul.

   - Vous êtes bien matinal, remarqua Sœur de la Miséricorde, lorsqu’il se présenta au parloir. Sœur Adèle, puisque vous partez donner classe, allez ouvrir l’herboristerie en passant.

   La Sœur s’exécuta. Angélus demanda à voir la Supérieure, mais ne pouvant la rencontrer en aparté sans éveiller de soupçons, il se contenta de donner une recommandation concernant la cueillette.

   - Pouvez-vous dire aux Soeurs qui iront herboriser ce jour de ne ramasser que des mauves et des boutons de coquelicots.

   Puis il rejoignit la petite salle où les moniales mettaient les plantes en sachet, entières ou réduites en poudre. Sœur Adèle était encore dans la pièce.

   - Je vous ai ouvert la fenêtre. L’air extérieur est si léger ce matin qu’il serait dommage de ne pas profiter de sa caresse.

   Angélus planta son regard dans celui de la jeune fille. Elle ne cilla pas. Ce n’était pas la première fois qu’il remarquait cette jeune religieuse. Il émanait d’elle une intelligence, une fraîcheur et une franchise si peu communes en de tels lieux qu’il trouvait regrettable qu’elle se soit consacrée à Dieu. 

   - Je vous remercie, lui dit-il. Il est en effet dommage de se priver des trésors que la Nature nous offre.

   - Je suis tout à fait d’accord avec vous... Oh, j’entends la cloche de huit heures! Je vais être en retard. A bientôt.

   Angélus ne resta seul que quelques secondes. Elaine vint frapper à la porte.

   - Bonjour, vous m’aviez dit que je pourrais venir vous consulter, vous vous rappelez ?

   - Cela ne date pas d’hier, Elaine, mais en effet, je m’en souviens. Je suppose que vous allez mieux, sinon vous m’auriez contacté avant, car j’ai souvenir que nous nous sommes croisés maintes fois. Je fais erreur, peut-être ?

   - Pas du tout, répondit Elaine gênée par le regard inquisiteur du jeune homme. Mais j’ai des questions à vous poser. Sœur Adèle, la jeune novice qui sort à l’instant d’ici, m’a dit un jour que vous étiez un génie. J’aimerais bien savoir ce qu’elle entend par là. Avouez que dans la bouche d’une future religieuse, ces paroles sont bien étranges.

   - Le terme de génie est peut-être un peu fort, pourtant Adèle me semble être la plus sensée des personnes vivant dans ce couvent. Et pour le peu que je sache d’elle, mon impression est qu’elle n’est pas à sa place parmi ces religieuses.

   - Le couvent est pour beaucoup un refuge, une bulle à l’écart du monde, une protection. Vous-même n’y trouvez-vous pas le calme nécessaire à vos recherches ? 

   Angélus ne releva pas le sous-entendu, se contentant d’un geste vague et d’un demi-sourire. Elaine entra alors dans le vif du sujet.

   - Vous semblez avoir un idéal qui vous porte et j’avoue que, depuis la mort de mon fiancé, je ne sais comment reprendre goût à la vie. J’ignore si la religion pourra m’aider à sortir de ce vide intérieur.

   - Ce qui est vécu avec passion peut combler l’âme de quiconque, répondit Angélus d’une voix douce. La tiédeur affadira votre existence si vous la laissez prendre le pas sur votre volonté, votre engouement ou votre désespoir. Quel que soit le sentiment dont vous serez submergée, allez jusqu’au bout de ce qui est juste et bon pour vous… et pour vous seule. J’ai toujours agi ainsi, et je me sens parfaitement en paix avec moi-même.

   Elaine sentit ses joues s’empourprer sous la colère et ne put s’empêcher de provoquer Angélus.

   - Ainsi, vous iriez, si j’ai bien compris, jusqu’à faire fi de la vie des autres pour atteindre votre but ?

   - Si ce but-là sert à nourrir une Oeuvre qui dépasse de loin les éléments en présence… J’irai jusqu’à sacrifier toute personne qui se mettrait en travers de mon chemin, oui, très certainement.

   Une lueur passionnée brillait dans les yeux d’Angélus. Elaine se dit qu’elle avait à faire à un fou plutôt qu’à un génie, et la peur la reprit.

   - Et quelle est donc cette œuvre qui mérite tant de sacrifices ? demanda-t-elle, d’une voix tremblante.

   - Pouvoir atteindre et toucher la transparence. Pouvoir créer plus doux, plus diaphane que la bise du matin, plus chaud et léger que le rayon de soleil printanier, voilà mon but, Elaine.

   - N’est-ce pas cela qui a contribué à la mort de mon Adrien ?

   Angélus marqua un temps d’arrêt.

   - Peut-être recherchait-il une beauté trop terre à terre, qu’en pensez-vous ?

   - Vous ne répondez pas à ma question, Monsieur Gabrielli.

   - La réponse est en vous, Mademoiselle. En tout cas, tous les hommes sur cette terre ont été, un jour ou l’autre, responsables de près ou de loin de la chute de quelqu’un. Votre Adrien comme les autres. Vous ignorez sans doute que, dans ce bourg même, il y a de cela bien longtemps, avec des jeunes de son âge, il a contribué à la mort d’un des leurs... Nous sommes tous ange et démon suivant les moments, les intérêts ou l’envie.

   Les larmes aux yeux, Elaine s’écria :

   - Mais qui êtes-vous donc pour vous permettre de juger ainsi des êtres qui vous sont totalement étrangers ? A moins que l’on ne vous ait chargé de venger quelqu’un ? Peut-être...

   Sœur de la Miséricorde interrompit cet échange de plus en plus passionné en entrant sans frapper dans la pièce.

   - Hé bien Elaine ? Je vous cherche partout. Vos compagnes vous attendent pour aller herboriser.

   Angélus se détourna et fit semblant de s’occuper. La jeune femme s’efforça de cacher ses larmes et, serrant les poings, elle passa rapidement devant la religieuse. 
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(A Suivre)

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"Mon Dieu! Toutes mes données personnelles
ont disparu de mon passeport!"



http://bulgarie1.zigo.over-blog.com/categorie-12446026.html

Les Bosniens pleurent un bébé mort 
à cause d'un vide juridique

   (...) Environ 2 000 personnes se sont rassemblées dimanche 16 juin à Sarajevo, la capitale bosniaque, pour rendre hommage à un bébé mort en raison d'un vide juridique qui a empêché des milliers d'enfants nés depuis février d'être soignés et de pouvoir quitter le pays. Les participants au rassemblement ont allumé dans le silence des centaines de bougies sur le parvis du Parlement. Des enfants ont posé à même le sol leurs jouets à la mémoire de Berina Hamidovic, un bébé d'un mois mort jeudi dans un hôpital à Belgrade, en Serbie voisine.

   (...) Cet enfant n'a pas pu être soigné en Bosnie et les médecins locaux ont recommandé son transfert vers une clinique à Belgrade. Mais le bébé ne pouvait pas obtenir un passeport car il ne disposait pas de numéro personnel d'identification, et le transport ne pouvait pas se faire sans entraves, a expliqué à la presse le père de Berina, Emir Hamidovic. "L'Etat a refusé de nous délivrer un passeport pour Berina. On s'est débrouillés pour franchir la frontière avec l'aide de la police frontalière. Mais ensuite l'hôpital de Belgrade nous a demandé de leur verser un millier d'euros, que nous n'avions pas et que l'assurance-maladie bosnienne a refusé de payer. Mais il était déjà trop tard pour tout", raconte M. Hamidovic, larmes aux yeux.(...) 

   (...) Plusieurs manifestations ont eu lieu devant le Parlement à Sarajevo depuis début juin pour exiger l'adoption d'une loi sur le numéro personnel d'identification pour les enfants nés depuis l'annulation, en février, de la précédente réglementation. "C'est la première victime d'une situation politique dont on ne voit pas l'issue. Que faire quand on a une telle élite politique ? Nous pouvons seulement prier pour la santé des enfants qui naissent ici", a déclaré Nela Djenisijevic, une actrice, elle-même mère d'un enfant né récemment et qui n'a pas pu obtenir de numéro d'identification personnel.

   Faute de ce sésame bureaucratique, il n'est en effet pas possible pour ces enfants de bénéficier de l'assurance-maladie et d'avoir un passeport. Les élus musulmans, serbes et croates qui représentent au Parlement les trois principales communautés de ce pays ethniquement divisé, campent sur leurs positions et n'arrivent pas à parvenir à une solution de compromis. (...) 




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(Le fils de ce capitaine d'industrie
avait la tête de l'emploi)


(Source: winnersusedrugs)

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"Je n'exporterai pas mon savoir-faire 
dans d'autres maisons! Pas question!"


Le Masque d'or [The Mask of Fu Manchu] de Charles Brabin (1932 )



La fragmentation du monde 
et les futurs malheurs de la Chine
Eric Le Boucher

   (...) Les tensions montent: panneaux solaires, pneus, aciers spéciaux, télécoms... Washington et Bruxelles ont décidé de ne plus fermer les yeux sur les pratiques «déloyales» de la Chine. Et Pékin, en rétorquant par des menaces brutales sur le vin et les berlines allemandes, aggrave son cas. L'empire du Milieu qui a vécu deux mille ans tourné sur lui-même et manque de ce fait de savoir-faire diplomatique, se trompe pour les îles Senkaku comme pour ses exportations: ni les différends territoriaux ni le commerce ne se règlent jamais à coup d'escalades.

   Pour Pékin, l'erreur est plus fondamentale. La Chine risque beaucoup plus gros que de perdre quelques marchés de matériels. Elle a été la grande bénéficiaire de la mondialisation. Après le Japon, la Corée du Sud, elle a pu appuyer son développement sur l'exportation et obtenir une ahurissante hausse de son niveau de vie en trente ans. Elle peut maintenant, elle doit, basculer son mode de croissance vers la consommation interne. Mais pour le faire sans explosion, il lui faut du temps, elle a donc encore besoin d'exporter beaucoup et longtemps.

   Or, entre-temps, la mondialisation a changé et la mégafragmentation qui vient ne va pas lui être favorable. De quoi s'agit-il? De deux modifications radicales. D'abord, l'éparpillement des chaînes de production (supply-chain). Au lieu de fabriquer tout un produit dans une usine, on répartit les éléments dans des lieux spécialisés différents, à l'étranger souvent, et le montage final dans un autre. Ce phénomène est devenu considérable: les produits intermédiaires représentent 60% du commerce mondial. Le «contenu en importations des exportations» est passé de 20% il y a vingt ans à 40% aujourd'hui et, calcule Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, à 60% dans vingt ans[1].

   La conséquence est de renforcer la dépendance réciproque des économies. La mondialisation ne se replie pas, bien au contraire, le commerce international est devenu crucial, la crise n'a pu provoquer ni une chute de ses volumes ni un véritable regain du protectionnisme. Hausser une barrière douanière et pénaliser des importations qui rentrent dans ses propres exportations, c'est se tirer une balle dans le pied. «Le protectionnisme est devenu du destructionnisme», résume parfaitement l'économiste Richard Baldwin. Dans ce contexte du commerce des chaînes (supply-chain trade), les entreprises ne feront plus «tout» en Chine. Ses salaires élevés sont un appel à des sous-traitances en Asie du Sud-Est. Il faut donc que Pékin trouve une harmonie régionale. Elle ne pourra pas la construire dans la confrontation.(...)

[1] L'OMC entre deux mondes. «La Revue des deux mondes», avril 2013. Retourner à l'article

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Luc Desle