Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

samedi 15 juin 2013

"Cet oeuf mollet qui jouait les durs se faisait du mal". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pets".

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Pensées pour nous-mêmes:

(JETTE TES CLÉS ET LAISSE
TON COEUR OUVERT)

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LONG RÉCIT AU LONG COURS (1/38)

pcc Benoît Barvin et Blanche Baptiste

      La rencontre entre Elaine Cantagril et l'apothicaire du village a enfin eu lieu...


ANGÉLUS 
ou 
LES SECRETS DE L’IMPALPABLE


   L’apothicaire fronça les sourcils. Une nouvelle fois, ce fut comme si seul le haut de son visage s’animait, ses yeux restant immobiles. Elaine se sentit jaugée et elle perdit de nouveau le peu de confiance qu’elle était allée chercher au plus profond d’elle-même.

   - J’ai fait plus d’une dizaine d’années d’étude en Italie et en France, susurra l’apothicaire d’une voix douce, avec des inflexions ironiques. La science médicale n’est pas encore trop mécanique, aussi faut-il un savoir encyclopédique pour soigner au mieux ses contemporains. C’est pourquoi, Elaine, je dois répondre à votre question par la négative. Je n’ai pas de spécialité. J’en suis désolé...

   - Pourtant, insista-t-elle d’une voix mal assurée, le rouge au front parce qu’il l’appelait par son prénom, j’ai vu entrer chez vous de nombreux patients uniquement atteints de maladies de peau.

   Son vis-à-vis darda sur elle un regard glacé.

   - Les gens de la campagne n’ont pas toujours le temps de s’occuper d’eux. Ils se négligent par nécessité. Aussi n’est-il pas rare de les voir atteints d’impétigos, d’érythèmes et de psoriasis, par exemple. Ce sont naturellement ces problèmes de peau que je soigne en majorité. Mais je peux poser des cataplasmes pour lutter contre une bronchite ; donner des laxatifs pour tous ceux qui ont fait bonne chaire ou pratiquer des saignées pour le sang trop généreux...

   Cette dernière phrase la fit tiquer, aussi l’apothicaire s’empressa-t-il de terminer par un rire grinçant.

   - Je plaisantais, évidemment ! Vous veniez donc pour une crème, c’est ça?

   - Oui. J’ai des démangeaisons au bras gauche.

   - Faites voir.

   Angélus Gabrielli s’empara de la main d’Elaine et, aussitôt, la jeune femme ressentit la grande douceur de ce contact. Sous le regard envoûtant de l’apothicaire elle s’abandonna, réalisant alors que le dernier homme qui l’avait tenue dans ses bras était Adrien. Cette pensée lui permit de se ressaisir.

   - Je ne sens rien, fit-il en tâtant l’épiderme d’Elaine. Votre peau est douce sous les doigts... Comme l’eau calme d’une rivière. Mais ce n’est qu’une apparence puisque, dessous, je sens un bouillonnement interne qui n’a rien à voir avec une quelconque démangeaison.

  Tout en continuant à la palper, Angélus ajouta, en plongeant son regard bleu-vert dans celui de la jeune femme.

   - Votre problème cutané n’est que l’expression extérieure d’une souffrance profonde ; celle de la séparation, Elaine. Nous avons tous connu, un jour ou l’autre, cette étrange douleur qui nous arrache à la quiétude, à la mollesse du monde... Chacun de nous réagit alors comme il le peut, avec ses pauvres moyens...

  Il voulut ajouter quelque chose mais se tut et, la lâchant brusquement, il reprit, d’un ton docte.

- Je vais vous donner un savon de ma confection. Il vous fera une peau encore plus délicate, mais il ne pourra rien pour les douleurs tapies au fond de vous. Nos âmes, une fois meurtries, sont à jamais abîmées et, tels des fardeaux trop lourds, nous assujettissent désespérément à cette terre de misère…

   Il ouvrit une armoire et, après avoir rapidement fouillé parmi les bouteilles et autres boîtes, il brandit un morceau de savon.

   - L’hygiène est quelque chose de très important, Elaine. Usez de cet objet le plus souvent possible. Cela calmera vos supposées démangeaisons et vous fera une peau de bébé.

   Le persiflage contenu dans ses propos ne fut pas relevé par la jeune femme qui le regardait, bouche bée. Elle venait de se rendre compte d’un phénomène étonnant. 

   Les rayons du soleil couchant transformaient la luminosité dans la boutique. Le visage de l’apothicaire, éclairé en biais, prenait peu à peu une apparence fantastique, confirmant la première impression qu’elle avait ressentie, en le voyant. On eût dit que la peau de ce visage était artificielle. Les traits trop parfaits perdaient à présent de leur netteté, leur contour devenait flou et, dessous, surgissait une nouvelle physionomie, une autre face inconnue, celle d’un étranger mal dégrossi, une sculpture à peine ébauchée qu’un artiste, découragé, aurait définitivement abandonnée.

   Sous l’air inquisiteur de la jeune femme, Angélus Gabrielli se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Il s’empressa d’augmenter la flamme de la lampe et la lumière artificielle gomma aussitôt l’impression surnaturelle. Elaine ne vit plus devant elle qu’un visage d’une grande beauté, mais dont le sourire figé restait inquiétant.

- Vous m’avez l’air fatigué, Elaine. Allez vous reposer chez les Soeurs. Elles sont toujours d’un grand secours pour les âmes souffrantes. Si vous souhaitez me tenir au courant de l’évolution de votre santé, sachez que je passe au couvent tous les vendredis. Vous me trouverez à l’herboristerie.

   La jeune femme fit quelques pas mécaniques vers la porte et, quand elle passa le seuil, le regard de l’apothicaire était toujours posé sur elle. Il s’apparentait à celui de la Supérieure du couvent. Un regard à la fois menaçant et douloureux.
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(A Suivre)

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"My name is Prism, and I like observing humans"


Les Etats-Unis se comportent comme la Chine
Ai Weiwei 
The Guardian

   Même si on sait que les gouvernements font toutes sortes de choses, j'ai été choqué par les révélations sur le programme de surveillance Prism de l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA). Pour moi, c'est abuser des pouvoirs gouvernementaux pour se mêler de la vie privée des individus. La communauté internationale doit profiter de l'occasion pour réfléchir aux droits des individus et les protéger.

   J'ai vécu aux Etats-Unis pendant douze ans [de 1981 à 1993]. Cet abus de pouvoir étatique va totalement à l'encontre de ma conception de ce qu'est une société civilisée et je serais choqué que les Américains le laissent se poursuivre. Les Etats-Unis ont une grande tradition d'individualisme et de respect de la vie privée, et c'est ce qui fait d'eux depuis longtemps un centre de liberté, de pensée et de créativité.

   En Chine, en revanche, il n'y a aucun respect de la vie privée – raison pour laquelle le pays est très en retard par rapport au reste du monde sur de nombreux plans. Elle a beau être devenue très riche, elle est encore à la traîne en termes de passion, d'imagination et de créativité.

   Bien entendu, nous vivons dans un cadre juridique différent : en Occident et dans les pays développés, il existe des lois qui permettent de contrebalancer ou de limiter l'usage que peut faire le gouvernement de l'information. Ce n'est pas le cas en Chine, et les individus sont complètement à nu. Les intrusions des autorités peuvent ruiner la vie d'une personne et je ne pense pas que ceci puisse arriver dans les pays occidentaux. (...)

   (...) Il n'en reste pas moins que si on parle de violation des droits des individus, c'est exactement ce que fait Prism. Ce programme de surveillance place les individus dans une position très vulnérable. Le respect de la vie privée est un droit fondamental, l'une des valeurs essentielles. Rien ne garantit que la Chine, les Etats-Unis ou un autre gouvernement n'utiliseront pas ces informations de façon erronée ou à mauvais escient. Je pense qu'un pays comme les Etats-Unis, qui sont techniquement avancés, ne doit pas abuser de son pouvoir car cela encourage les autres pays à en faire autant.

Lire sur:


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(La dompteuse de papillons en pleine action)


Veronica Vazhnina - Butterflies


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"Alerte! Alerte!
Les citoyens de la Terre
sont invités à ne plus
se laisser tondre la laine
sur le dos! "






C’est quoi exactement un « lanceur d’alerte » ?
Nicolas Pelletier
   (...) La nuance entre prophète de malheur et lanceur d’alerte est (...) sujette à débat. Qui est un lanceur d’alerte et qui ne l’est pas ?

   Le terme a été inventé par les sociologues Francis Chateauraynaud et Didier Torny. Dans leur livre de référence, publié en 1999, ils l’utilisaient par exemple pour saluer les actions de:

   /Henri Pézerat, chercheur en pointe sur les dangers de l’amiante dans les années 1970 ;
   /Anne-Marie Casteret, la journaliste qui, en 1991, a révélé le scandale du sang contaminé ;
   /Jean-François Viel, le professeur de médecine qui a relevé un taux excessif de leucémies à proximité du centre de retraitement des déchets radioactifs de La Hague en 1997 ;
   /Jean-Jacques Mélet, le médecin qui s’est inquiété de la toxicité des amalgames dentaires contenant du mercure...

   Ces dernières années, le « label » a notamment été associé à Irène Frachon, la pneumologue qui a fait éclater le scandale du Mediator.(...) 

   Selon Francis Chateauraynaud et Didier Torny, le lanceur d’alerte est :

   « Une personne ou un groupe qui estime avoir découvert des éléments qu’il considère comme menaçants pour l’homme, la société, l’économie ou l’environnement et qui de manière désintéressée décide de les porter à la connaissance d’instances officielles, d’associations ou de médias, parfois contre l’avis de sa hiérarchie. »

   Un lanceur d’alerte n’est donc pas :

   /un espion, car le lanceur d’alerte n’est pas à la solde d’une organisation et ne doit rien à personne ;
   /une taupe, un « espion infiltré dans le milieu qu’il observe », qui de manière préméditée a cherché à nuire à son organisation, car le lanceur d’alerte est désintéressé ;
   /un alarmiste, « qui répand intentionnellement des bruits qui inquiètent ». Un alarmiste cherche à attirer davantage l’attention sur sa personne que sur sa cause, ce qui n’est pas le cas du lanceur d’alerte ;
   /un dénonciateur « qui dénonce à une autorité », un délateur « qui dénonce pour des motifs méprisables », uncafard ou un mouchard « qui dénonce sournoisement les autres », car ces termes péjoratifs n’intègrent pas la notion d’intérêt public derrière les motivations du lanceur d’alerte.

   Le lanceur d’alerte agit en tant que citoyen et pour ce qu’il considère être le bien commun. Il agit par noblesse et court un risque de représailles. En attendant une éventuelle reconnaissance légale du statut de lanceur d’alerte. (...)

Lire sur:

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Luc Desle

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