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mercredi 23 juillet 2014

"Il pria Jéhovah, Dieu et Allah d'aller voir ailleurs s'il y était". Jacques Damboise in "Pensées de l'à-peu-près".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LA SAGESSE EST
L'ESSENCE DE LA SAGESSE)

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(L'homme à la cervelle qui pète
vous salue bien...)



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Les BRICS,
un défi au système international


   (...) Le sixième sommet du groupe des BRICS, les plus grandes économies émergentes à Fortaleza au Brésil, est le lever de rideau d’un monde nouveau où les nations en voie de développement les plus puissantes remettent enfin en question l’inique système international.

   Depuis les années 1970, les nations plus pauvres ont articulé des visions d’un Nouvel Ordre Économique International (NIEO, New International Economic Order) entraînant des interactions non-exploitantes entre le Nord Mondial et le Sud Mondial. Mais c’est seulement maintenant, avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sur le point de lancer d’ambitieuses nouvelles institutions économiques, que nous commençons à voir les actes qui suivent les paroles.

   Parmi la foule d’éléments des dossiers au menu à Fortaleza, celui qui est le plus attendu est le lancement de la New Development Bank (NDB, Nouvelle Banque de Développement, ndlr), une organisation fraîche et multilatérale de prêts vouée au financement d’infrastructures et de croissance soutenable à l’intérieur des pays des BRICS et au-delà. Dotée d’un capital de base de départ de $50 milliards tirés de contributions égales de $10 milliards de la part de chaque membre des BRICS, cette banque pourrait lever une capacité de prêt de $100 milliards. Par comparaison, la Banque Mondiale dominée par l’Occident dispose d’un capital de $223 milliards.

   En gardant ouverte la perspective d’autres nations membres de l’ONU apportant des contributions à la base de capital de la NDB, les nations des BRICS ont fondé une plateforme pouvant éventuellement dépasser la Banque Mondiale et devenir le plus important prêteur multilatéral du monde. Le caractère inclusif de la NDB lui permet de puiser dans les fortunes des autres étoiles montantes du Sud Mondial.

   Les BRICS ne sont qu’une constellation dans une galaxie plus vaste d’économies émergentes connaissant une croissance rapide et des surplus d’investissement. La liste des Emerging Global Market Players (Acteurs du Marché Mondial Émergents, ndlr) comporte un total de 16 pays, c’est-à-dire 11 autres acteurs en pleine ascension, hors les BRICS. La NDB pourrait inviter ces 11 à devenir, eux aussi, des actionnaires. L’idée d’un ‘BRICS plus’ (c’est-à-dire les BRICS et d’autres économies émergentes) pourrait se nicher dans une institution formelle pour renforcer un front uni de pays en voie de développement déçus des institutions financières internationales de Bretton Woods, menées par les USA.

   Un pré-requis essentiel pour la NDB, basée à Shanghai, est une philosophie et un caractère cohérents qui la distinguent de la Banque Mondiale et de ses affidés. Ces derniers font la promotion du prêt avec la vision néolibérale de faire avancer les forces du marché et de réduire le rôle de l’état dans les pays en voie de développement. Pour leur part, les membres des BRICS sont unanimes sur la question de la protection de la souveraineté nationale et pour garantir que les gouvernements conservent une rêne sur la direction des stratégies économiques de leurs sociétés respectives.

   La NDB doit en paroles et en actes s’opposer à l’idéologie néolibérale afin qu’elle ne se transforme pas en addition quantitative à la puissance de prêt de la Banque Mondiale. Elle doit œuvrer à être un animal qualitativement différent qui reflète les luttes et les aspirations du Sud Mondial pour s’arracher à l’hégémonie occidentale.

   Avec le budget alloué à l’aide étrangère de la Chine excédant à lui seul celui de la Banque Mondiale, la position de ‘numéro un’ des institutions de Bretton Woods est déjà, en un sens, une chose du passé. Mais dernièrement, le malaise en Afrique et en Amérique Latine sur la prédominance de la Chine comme donatrice mégalithique s’est accru. Du point de vue méfiant des pays les moins développés, la NDB peut être une alternative plus sûre aux prêts chinois unilatéraux, qui viennent avec des fils à la patte comme des accords énergétiques captifs. Les pauvres du monde préfèreraient emprunter à la NDB qui reflète de multiples intérêts plutôt qu’à une seule source qui allonge l’ombre de la Chine sur leurs sociétés.

   Le sommet des BRICS de Fortaleza dévoilera un accord de réserve monétaire commune à hauteur de $100 milliards pour aider les pays membres à absorber les chocs économiques. Ce fonds de soutien a été appelé par le Ministre des Finances russe Anton Siluanov un "mini-FMI", devant agir comme tampon contre les ruées de panique contre les monnaies, telles celles qui ont eu lieu l’année dernière à cause d’une fuite d’investisseurs basés sur le dollar US. (...)

   (...) Les BRICS ont durement appris la leçon que compter sur la Réserve Fédérale US est une dépendance paralysante qui s’apparente à être pris en otage par les priorités économiques de Washington. Le "mini-FMI" est donc en réalité un véhicule pour la délivrance vis-à-vis du FMI, qui a été l’instrument financier de Washington en tant qu’unique sauveteur pendant les crises macroéconomiques. Les BRICS introduisent désormais ce qui pourrait devenir une ligne de secours alternative pour des pays qui sont fiscalement dans le rouge.

   Mis à part la NDB et les échanges de monnaies, qui ont été un sujet de finitions de réglages entre les pays des BRICS depuis des années, le sommet de Fortaleza sera également observé pour une orientation sur la question critique de la sécurité énergétique. La Russie a proposé une nouvelle Association Énergétique des BRICS, dotée d’une réserve de carburants qui puisse garantir une fourniture continue en pétrole et en gaz naturel à des prix prévisibles. La volatilité du coût de l’énergie a été un problème central empoisonnant la croissance économique dans des nations importatrices de pétrole et de gaz naturel telles l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.

   Si un accord basé sur de bonnes règles est atteint au niveau des BRICS où les exportateurs énergétiques, la Russie et le Brésil, aident les pays membres importateurs d’énergie, cela aura beaucoup fait pour protéger les deux géants asiatiques de la turbulence du marché mondial du brut et pour améliorer leur autonomie stratégique.

   La nation hôte du dernier sommet en date, le Brésil, a aussi proposé une nouvelle plateforme innovante de statistiques dotée de l’empreinte des BRICS, qui fournira une alternative à la méthodologie classique en vigueur à l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) pour mesurer le PIB, l’inflation, le chômage et d’autres indices macroéconomiques. Cette innovation statistique pourrait permettre aux BRICS d’introduire des nuances aux paradigmes de développement qui ont été façonnés par le Consensus de Washington depuis la Seconde Guerre Mondiale.

   Le Brésil a également souligné que les BRICS ne peuvent se satisfaire de n’être qu’une institution centrée sur l’économie. L’Ambassadeur du Brésil en Inde a évoqué une "nouvelle architecture de politique internationale", en parallèle aux progrès économiques, comme étant les deux objectifs des BRICS.

   Par le passé, les BRICS se sont refusés à des actions diplomatiques ou militaires conjointes pour venir à bout de tensions et de conflits armés régionaux. À Fortaleza, le monde observera pour voir si les BRICS parviennent à formuler un mécanisme pouvant dépasser leurs déclarations habituelles ou les communiqués, qui condamnent la violence ou l’ingérence dans les affaires domestiques de nations souveraines par des puissances occidentales interventionnistes.

   En tant que leaders de leurs régions ou sous-régions respectives, les pays des BRICS pourraient désigner des éminences locales pour l’Afrique, l’Amérique Latine et l’Asie et offrir un soutien sans réserves à ces pays désignés pour éteindre des guerres, des rébellions et autres calamités survenant dans leur voisinage. Par exemple, si une situation comme la menace terroriste au Mali émergeait à nouveau, l’Afrique du Sud ou le Nigeria devraient être l’éminence appuyée sans équivoque par tous les pays des BRICS pour être le facteur décisif pavant la route vers une solution.

   Pareillement, la crise intraitable en Afghanistan pourrait être réglée par l’Inde et la Chine si elles formaient une troïka avec la Russie et emportaient l’assentiment des autres voisins de la région, qui n’ont pas vraiment apprécié ce qu’y ont fait les USA au cours des douze dernières années. Le Premier Ministre de l’Inde Narendra Modi a déjà envoyé un ballon de sonde proactif dans ce sens, en annonçant qu’il allait avoir une séance de brainstorming avec ses homologues à Fortaleza sur la manière dont le groupe puisse "contribuer aux efforts internationaux pour régler les crises régionales".

   Avec ingénuité, les BRICS peuvent couper l’herbe sous le pied de la culture d’interférence néocoloniale des USA et de puissances européennes en se faisant les pompiers des incendies du Sud Mondial. Imaginez le changement de climat dont nous serions témoins en matière de sécurité internationale s’il y avait, disons-le, une Force de Maintien de la Paix des BRICS qui puisse travailler de concert avec l’ONU et des organisations régionales comme entité indépendante de médiation, pouvant se déployer dans des parties instables sélectionnées du monde. (...)


Sreeram Chaulia est Professeur et Doyen à la Jindal School of International Affairs à Sonipat, en Inde.


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(L'Homme Poulpe n'est pas content)



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Benoît Barvin

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